Ina Bandy, photographe, 1903-1973
Autoportrait Paris © coll. Fondation Robert Ardouvin / Ina Bandy

Biographie

De la Russie à l'U.R.S.S.

Ida Gurevitsch naît le 14 octobre 1903 à Tallin en Estonie, à l’époque, région de l’Empire Russe. Elle grandit dans une famille juive apparemment peu concernée par la religion, mais fortement ballotée par l’histoire européenne du XXe siècle.

Ida fuit avec sa mère et ses 3 frères les champs de bataille de la première guerre mondiale puis les luttes désordonnées de la révolution dont un de ses frères sera la victime, fusillé par les soldats du Tsar.

Au début des années 1920, la mère d’Ida quitte son mari et part accompagner son fils cadet Benjamin faire ses études en Allemagne. Ida séjourne à Moscou devenue la capitale de la nouvelle Union des Républiques Socialistes Soviétiques.

Elle y rencontre Nicolas Neumann, photographe hongrois qui deviendra journaliste et écrivain. Ils se marient et quittent l’U.R.S.S. en 1925. Nicolas Neumann, alias Nicolas Bandy, apprend les ficelles du métier à celle qui deviendra Ina Bandy et gardera ce pseudonyme même après leur divorce.
Elle traverse l’Europe, en séjournant en Allemagne avant de venir s’installer définitivement en France au début des années 1930.

Premiers pas dans la photographie

À Paris, elle se lie avec l’agence photographique Alliance Photo fondée par René Zuber et dirigée par Maria Eisner. Pierre Boucher, Denise Bellon, Emeric Feher, Robert Capa, Pierre Verger et quelques autres photographes alors inconnus collaborent au sein de cette agence.

Dans les années qui précèdent la guerre, Ina vit dans le XVe arrondissement de Paris, dans le même immeuble que sa mère, son frère cadet Benjamin, Tatiana, la femme de ce dernier et leur fils ainé Michel.

Durant la seconde guerre mondiale, alors que sa mère, son frère et sa famille fuient en URSS pour échapper aux persécutions nazies, elle choisit de rester en France.
Se cachant vraisemblablement sous son pseudonyme, elle traverse la guerre en Zone libre. Probablement en relation avec la résistance, elle fait la connaissance de Bernard Anthonioz. Il en naîtra une amitié qui la lie jusqu’à sa mort avec la famille Anthonioz sur plusieurs générations.

Un photographe humaniste

Après guerre, elle revient à Paris et s’installe à l’hôtel de la Paix, 29 quai d’Anjou sur l’île Saint-Louis. Elle y habitera jusqu’à sa mort, en 1973. Elle occupe une petite chambre avec vue sur la Seine et dispose d’un petit local au rez-de-chaussée qui lui sert d’atelier. Elle réalise toutes les opérations elle-même, allant jusqu’à faire ses tirages de grand format sur le sol de sa cuisine. L’hôtel, outre le fait qu’il est très bon marché, abrite quelques autres « gentils farfelus » comme les appelle un autre de ses hôtes, l’écrivain Michel Tournier dans le Vent Paraclet : Georges de Caunes, Armand Gatti, Pierre Boulez, Georges Arnaud, Gilles Deleuze, Jesús Rafael Soto ou la comtesse de la Falaise.
Ina Bandy réalise des reportages photographiques pour des magazines tels que ELLE, Médecine de France et Art News ou des journaux parisiens. Elle photographie, ainsi, entre autres, des personnalités des arts et de la culture : Giacometti, Calder ou Chagall et bien d’autres.

Elle rencontre Robert Ardouvin lors d’un reportage pour le journal Combat sur un groupe d’enfants qui occupe une station du métro parisien. Ina participera à l’aventure de l’Association des Enfants de Paris fondée par Robert Ardouvin qui prend en charge et accueille des enfants en situation de précarité d’abord à Montreuil, puis dès 1948 à Vercheny dans la Drôme. Elle y effectuera régulièrement des séjours tout au long de sa vie.

Par ailleurs, elle travaille pour divers organismes : Unesco, Air France, les Archives nationales, le Commissariat Général au Tourisme ou le musée du Louvre en réalisant des photographies pour des affiches, des prospectus mais aussi des catalogues d’exposition. On la retrouve aussi dans l’illustration d’ouvrages ethnologiques ou historiques en particulier pour Régine Pernoud, spécialiste du Moyen-âge, qui deviendra une de ses grandes amies. Elle réalisera pour elle des centaines de photographies de sceaux, de médailles ou d’églises médiévales.

Pour autant, ses sujets de prédilection seront les enfants dont elle fera des milliers de photographies dont l’esprit situe son oeuvre au côté des photographes humanistes comme Robert Doisneau, Willly Ronis et Sabine Weiss.

Pendant cette période, elle effectue quelques voyages à l’étranger, généralement pour son travail : USA, Ceylan (Sri Lanka), Bulgarie ou URSS où elle ira rendre visite à sa famille.

Femme menue, d’aspect chétif, elle se sera battue toute sa vie pour sa survie… se plaignant constamment du peu qu’elle tirait de son travail. Bien que d’un tempérament sauvage et d’un caractère bien trempé, elle a laissé l’image d’une personne attentive et généreuse à ceux avec qui elle a su entretenir des amitiés très fortes. Son attitude solitaire et discrète explique en partie le manque de renseignements dont nous disposons aujourd’hui sur son oeuvre et sa vie.

Elle meurt le 18 février 1973 à l’hôpital Cochin à Paris.
Sans enfant, et sa famille étant au moment de sa mort en URSS, ses maigres biens seront dispersés. Elle est inhumée sur l’initiative de Robert Ardouvin dans le petit cimetière de Vercheny.
Elle laissera à la fondation Robert Ardouvin toutes les photographies concernant l’association et la vie du village de Vercheny et elle confiera à Régine Pernoud une grande partie du reste de ses travaux photographiques dorénavant déposés au Centre Jeanne d’Arc à Orléans.

Aujourd’hui, sa famille, notamment Antoine Gurewitch, son petit-neveu, avec l’aide d’historiens et de personnes qui l’ont connue, effectue des recherches sur son histoire personnelle et son oeuvre photographique.